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Autoliquidation de la TVA sur les travaux immobiliers réalisés en sous-traitance

TVA

Actualité du 20/02/2014

La loi de finances pour 2014 a réservé une drôle de surprise aux entreprises réalisant des travaux immobiliers. Désormais, elles ne peuvent plus facturer la TVA lorsqu'elles interviennent en sous-traitance. Beaucoup de professionnels semblent avoir découvert la nouvelle législation en janvier avec cette question récurrente : « Suis-je moi aussi concerné par cette mesure ? »

Champ d'application : 

Quels sont les opérateurs concernés ?

Le nouveau dispositif d'autoliquidation de la TVA s'applique aux travaux immobiliers réalisés par un sous-traitant.

Le législateur vise les entreprises sous-traitantes, au sens de l'article 1er de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.

L'administration fiscale est venue préciser qu'en cas de sous-traitance en chaîne, chacun des sous-traitants était concerné, quel que soit son rang.

Dans l'hypothèse où le sous-traitant bénéficie de la franchise en base, aucune TVA n'est due et l'entrepreneur principal n'aura donc pas à autoliquider la TVA.

Le seul critère pertinent : la notion de sous-traitance au sens de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975

Définition de la sous-traitance

L'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 définit la sous-traitance comme « l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne, appelée « sous-traitant », l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ».

La sous-traitance implique donc :

  • l'intervention de trois opérateurs : le maître de l'ouvrage, l'entrepreneur principal (ou donneur d'ordres) et le sous-traitant ;
  • la succession de deux contrats d'entreprise : le marché principal conclu entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur principal et le contrat de sous-traitance (ou sous-traité) conclu entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant ; dès lors, si l'entreprise a conclu directement avec le maître de l'ouvrage, la qualification de sous-traitant sera exclue d'office.

Elle ne doit pas être confondue avec des schémas voisins dont le fonctionnement peut, en pratique, s'avérer très proche.

Ne pas confondre sous-traitance et cotraitance

Il y a cotraitance lorsque plusieurs entrepreneurs constituent un groupement pour réaliser les travaux.

Dans une telle hypothèse, l'un des membres du groupement est désigné comme mandataire et, à ce titre, s'engage à l'égard du maître de l'ouvrage pour la bonne exécution de la totalité des travaux, jusqu'à leur réception (en cas de groupement conjoint) ou assume un rôle de représentation, voire un rôle de coordination des travaux (en cas de groupement solidaire).

En pratique, ce mandataire se trouve dans une situation très proche de celle d'un entrepreneur principal.

Néanmoins, il y a une distinction fondamentale entre la cotraitance et la sous-traitance : le cotraitant, contrairement au sous-traitant, contracte directement avec le maître de l'ouvrage.

Ne pas confondre sous-traitance et location

Il peut arriver qu'un entrepreneur fournissant à un entrepreneur principal du matériel ou un engin propose, en plus, le personnel qualifié et apte à son utilisation.

Cependant, dès lors que cet entrepreneur ne participe pas de façon directe à la réalisation de l'ouvrage, il convient d'exclure la qualification de sous-traitance.

L'administration fiscale précise elle-même expressément que le mécanisme d'autoliquidation ne s'applique pas aux contrats de location d'engins et de matériels, y compris lorsque cette location s'accompagne du montage et du démontage sur le site (BOFiP-TVA-DECLA-10-10-20-§ 534-24/01/2014).

Ne pas confondre sous-traitance et contrat de travail

À la différence du contrat de travail, le contrat de sous-traitance est caractérisé par l'absence de tout lien de subordination entre le sous-traitant et le donneur d'ordres.

Or, dans le cadre de la relation de sous-traitance, il peut arriver qu'une certaine dépendance technique survienne ou que le donneur d'ordres exerce un pouvoir de contrôle sur le sous-traitant.

Si cette dépendance technique ou ce pouvoir de contrôle est tel qu'un lien de subordination venait à être caractérisé, la prestation du sous-traitant devrait être requalifiée en travail salarié et ne serait pas soumise à la TVA (elle ne donnerait lieu ni à facturation de la TVA par le « sous-traitant » ni à autoliquidation de la TVA par le « donneur d'ordres »).

Ne pas confondre sous-traitance et vente

Dans le cadre de l'application de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, le risque de confusion se présente lorsqu'un contrat prévoit, à la fois, la fourniture d'un bien et la réalisation d'un service.

Dans une telle hypothèse, les juges s'appuient sur la spécificité de la commande et du travail accompli pour déterminer si l'opération s'inscrit dans le cadre de la sous-traitance ou non :

  • si la spécificité de la commande et du produit est établie, il s'agit d'une opération de sous-traitance, quand bien même l'entrepreneur ne se déplace pas sur le site et n'y exécute aucun travail de pose ;
  • si la spécificité de la commande et du produit n'est pas établie, par exemple parce que les produits fournis sont disponibles sur stock ou catalogue, il s'agit d'une opération de vente.

Pour l'application du mécanisme d'autoliquidation de la TVA, l'administration fiscale s'éloigne de cette analyse.

Elle considère en effet que, lorsqu'une entreprise titulaire du marché ou sous-traitante fait appel à une autre entreprise pour la fabrication de matériaux ou d'ouvrages spécifiques destinés à l'équipement de l'immeuble faisant l'objet des travaux, cette opération ne s'analyse pas comme de la sous-traitance mais comme une opération consistant en la livraison d'un bien meuble corporel et est donc exclue du dispositif d'autoliquidation (BOFiP-TVA-DECLA-10-10-20-§ 534-24/01/2014).

En effet, le texte vise uniquement les travaux immobiliers qui, au regard de la TVA, s'analysent comme des services, à l'exclusion des livraisons de biens.

Les critères non pertinents

L'entrepreneur principal n'applique pas la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance

Il convient de rappeler que la loi du 31 décembre 1975 est d'ordre public.

Dès lors, si l'entrepreneur répond à la définition posée par l'article 1er de cette loi, il entre dans le champ d'application du mécanisme d'autoliquidation de la TVA, y compris lorsqu'en pratique, le donneur d'ordres ne respecte pas les obligations imposées par la loi du 31 décembre 1975, en particulier les obligations relatives à l'agrément du sous-traitant par le maître de l'ouvrage et au cautionnement.

Aucun contrat écrit n'a été conclu

La qualification de sous-traitant étant d'ordre public, la circonstance qu'aucun contrat écrit de sous-traitance n'ait été conclu est indifférente.

L'administration fiscale vise, en effet, expressément les hypothèses d'absence de contrat de sous-traitance formel et précise qu'en tient lieu tout devis, bon de commande signé ou autre document permettant d'établir l'accord de volonté entre l'entreprise principale et son sous-traitant pour la réalisation des travaux sous-traités et leur prix (BOFiP-TVA-DECLA-10-10-20-§ 535-24/01/2014).

Les éléments suivants ne sont pas davantage pertinents pour déterminer s'il convient ou non d'appliquer le mécanisme de l'autoliquidation de la TVA :

  • convention collective dont relève l'entreprise ;
  • fédération professionnelle à laquelle est rattachée l'entreprise ;
  • régime des garanties ;
  • etc.

Quels sont les services concernés ?

Il convient de préciser que le législateur s'est référé à la loi du 31 décembre 1975 uniquement pour la définition de la notion de sous-traitance.

Le champ d'application du nouveau mécanisme d'autoliquidation est bien plus restreint que celui de la loi du 31 décembre 1975.

En effet, alors que la loi du 31 décembre 1975 vise toutes sortes de services, tels que les services de sécurité privée, restauration, paie, prestations informatiques, etc., le nouvel article 283, 2 nonies s'applique uniquement aux « travaux de construction, y compris ceux de réparation, de nettoyage, d'entretien, de transformation et de démolition effectués en relation avec un bien immobilier ».

L'article 283, 2 nonies du code général des impôts reprend les dispositions de l'article 199, 1-a de la directive 2006/112/CE qui prévoit la possibilité, pour les États membres de l'Union européenne, d'instituer un mécanisme d'autoliquidation pour certaines opérations limitativement énumérées.

Nous dressons ci-après une liste non exhaustive des travaux concernés :

  • travaux de bâtiment exécutés par les différents corps de métiers participant à la construction ou à la rénovation des immeubles ;
  • travaux publics et ouvrages de génie civil ;
  • travaux d'équipement des immeubles ;
  • travaux de réparation ou de réfection ayant pour objet la remise en état d'un immeuble ou d'une installation à caractère immobilier.

Le nouveau mécanisme d'autoliquidation vise ainsi des travaux d'une nature très variée, allant des travaux de voirie aux travaux d'installation d'une cuisine sous certaines conditions.

Rappelons en effet que l'administration a une conception relativement extensive de la notion de travaux immobiliers, incluant « les travaux d'installation comportant la mise en œuvre d'éléments qui perdent leur caractère mobilier à raison de leur incorporation à un ensemble immobilier ». C'est sur la base de cette même définition que nombre de travaux réalisés dans des locaux à usage d'habitation peuvent bénéficier des taux réduits de 5,5 % ou 10 %.

Il convient, en revanche, de souligner que les prestations intellectuelles confiées par les entreprises de construction à des bureaux d'études, économistes de la construction ou sociétés d'ingénierie sont exclues du dispositif d'autoliquidation.

Par ailleurs, l'administration fiscale précise expressément que les opérations de nettoyage qui sont le prolongement ou l'accessoire des travaux mentionnés ci-dessus sont soumises au même régime que ces travaux.

Seules les opérations de nettoyage faisant l'objet d'un contrat de sous-traitance séparé sont exclues du dispositif d'autoliquidation.

Déclaration CA 3 : pas de nouvelles lignes spécifiques

Quelles sont les obligations déclaratives du sous-traitant ?

Le sous-traitant devra faire figurer la mention « Autoliquidation » sur ses factures relatives aux opérations pour lesquelles la TVA doit être autoliquidée par le donneur d'ordres.

Il devra, par ailleurs, indiquer le montant total HT des travaux en cause sur la ligne 05 « Autres opérations non imposables » de sa déclaration CA 3 établie au titre du mois au cours duquel il a encaissé la somme correspondante.

Quelles sont les obligations déclaratives du donneur d'ordres ?

Le donneur d'ordres indique le montant total HT des travaux en cause sur la ligne 02 « Autres opérations imposables » de sa déclaration CA 3 déposée au titre du mois au cours duquel il a payé la somme correspondante.

Il indique, par ailleurs, le montant de TVA déductible sur la ligne 20 « Autres biens et services » de cette même déclaration.

Le défaut d'autoliquidation par le preneur est sanctionné par une amende égale à 5 % du montant de la TVA.

Que se passe-t-il si les sous-traitants et/ou les donneurs d'ordres ne sont pas français ?

En matière de TVA, il convient toujours de distinguer :

  • les assujettis étrangers qui disposent d'un établissement stable en France et qui ont un numéro de TVA en France ;
  • les assujettis étrangers qui ne disposent pas d'un établissement stable en France mais qui ont tout de même un numéro de TVA en France pour procéder à certaines obligations déclaratives ;
  • les assujettis étrangers qui ne disposent ni d'un établissement stable en France, ni d'un numéro de TVA en France.

Suivant les cas, le législateur semble prendre un malin plaisir à utiliser l'un ou l'autre des critères pour déterminer le redevable de la TVA.

Ainsi, depuis le 1er septembre 2006, lorsque le sous-traitant de travaux immobiliers portant sur un immeuble situé en France est un étranger non établi en France, la TVA est due par le preneur qui a un numéro de TVA en France (CGI art. 283-1, 2e al.). Cette disposition n'est pas modifiée.

Le nouveau dispositif vise, en pratique, les sous-traitants établis en France. Mais le législateur n'a pas pris le soin de préciser si le preneur « assujetti » s'entend uniquement des personnes qui disposent d'un numéro de TVA en France ou s'il s'agit de tout assujetti, y compris étranger.

La situation est identique pour d'autres dispositifs similaires : livraisons de déchets neufs d'industrie, services de communication électronique...

L'administration n'en dit guère plus dans ses commentaires au BOFiP, se contentant d'indiquer les conséquences déclaratives pour « le preneur assujetti à la TVA en France ».

Cela étant, dans sa rédaction actuelle, l'article 286 ter du CGI ne prévoit pas l'obligation, pour un assujetti étranger non établi et non identifié à la TVA en France, de solliciter un numéro d'identification à la TVA en France pour les seuls besoins de l'autoliquidation de la TVA sur l'achat de ces prestations de sous-traitance.

À défaut de présentation d'un numéro de TVA français par le preneur assujetti étranger, nous recommandons aux sous-traitants de facturer la TVA française.

Paiement direct:  : Flux de factures et flux financiers

Lorsque l'opération donne lieu à un paiement direct du maître de l'ouvrage au sous-traitant (ou en cas de délégation de paiement ou d'action directe), le sous-traitant doit adresser à l'entrepreneur principal sa demande de paiement accompagnée de l'original de la facture.

L'entrepreneur principal dispose d'un délai de 15 jours pour contrôler ces documents et, s'il donne son accord de paiement, les transmet au maître de l'ouvrage, afin de lui permettre de procéder au paiement.

Les flux de facture et financiers dans l'hypothèse d'un paiement direct sont synthétisés comme suit :

(Nous avons retenu une hypothèse dans laquelle l'entrepreneur principal facture la TVA au taux réduit de 10 % (travaux portant sur des locaux d'habitation de plus de deux ans par exemple). Dans une telle hypothèse, la prestation du sous-traitant ne peut pas bénéficier du taux réduit et doit donc être soumise au taux normal de 20 %. )

  • Le sous traitant facture l'entrepreneur principal sans TVA pour 100 euros. L'entrepreneur principal autoliquide la TVA de 20.
  • L'entrepreneur principal facture la maitre de l'ouvrage 200 euros avec une TVA à taux réduit de 10 % soit 20.
  • Le maitre de l'ouvrage règle le sous-traitant de sa facture sans TVA soit 100 euros.
  • L'autoliquidation de la TVA se faisant ainsi au niveau de l'entrepreneur principal.

Règlement de la situation lors du paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage

Deux conséquences pour l'entrepreneur principal

Le paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage déclenche deux conséquences pour l'entrepreneur principal :

  • il devra autoliquider la TVA au titre de la prestation qui lui a été facturée par le sous-traitant ;
  • il devra collecter la TVA au titre de la prestation qu'il réalise au profit du maître de l'ouvrage, à concurrence du paiement effectué.

Autoliquidation de la TVA par l'entrepreneur principal au titre de la prestation facturée par le sous-traitant

La TVA due au titre de la prestation facturée par le sous-traitant à l'entrepreneur principal devient exigible lors du paiement du sous-traitant par le maître de l'ouvrage.

Le maître de l'ouvrage doit donc informer l'entrepreneur principal du paiement effectué au sous-traitant.

L'entrepreneur principal pourra ainsi mentionner, sur la déclaration CA 3 déposée au titre du mois au cours duquel il a été informé du paiement effectué par le maître de l'ouvrage au sous-traitant, les montants suivants :

  • en ligne 02 « Autres opérations imposables » : le montant de 100 € qui figure sur la facture qui lui a été adressée par le sous-traitant ;
  • en ligne 08 « Taux normal 20 % » : le montant de TVA à autoliquider de 20 € ;
  • en ligne 20 « Autres biens et services » : le montant de TVA déductible de 20 €.

Collecte de la TVA par l'entrepreneur principal au titre de sa propre prestation

L'entrepreneur principal devra adresser au maître de l'ouvrage un décompte ou une facture indiquant au moins le montant du paiement direct effectué au profit du sous-traitant, soit au moins un montant de 100 € TTC (90,91 € HT plus 9,09 € de TVA).

Le maître de l'ouvrage réglera à l'entrepreneur principal le montant ainsi facturé après déduction des sommes déjà versées au sous-traitant.

L'entrepreneur principal devra indiquer le montant de la TVA ainsi collectée sur sa déclaration CA 3 déposée au titre du mois du paiement direct au sous-traitant.

Règlement de la situation au moment de solder le marché

L'entrepreneur principal devra émettre une facture d'un montant de 220 € TTC (200 € HT et 20 € de TVA).

Il déduira de ce montant le montant déjà réglé par le maître de l'ouvrage, soit 100 €, de sorte que le maître de l'ouvrage devra effectivement payer, lors de la réception de la facture un montant de 120 € TTC (109,09 € HT plus 10,91 € de TVA).

Entrée en vigueur

La mesure s'applique aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2014. Reste à s'entendre sur la date de conclusion du contrat de sous-traitance. En effet, en pratique, les contrats peuvent ne pas être formalisés ou, à l'inverse, prendre la forme de contrats formalisés comme pour la construction de maisons individuelles.

Par ailleurs, les parties peuvent avoir organisé une relation durable avec des contrats-cadres. Dans ce cas, l'administration indique que les bons de commande, avenants ou levées d'option de tranches conditionnelles postérieurs au 1er janvier 2014 relatifs à des contrats-cadres ou des contrats de sous-traitance ne sont pas concernés par le nouveau dispositif, le nouveau dispositif entrant en vigueur à compter de la tacite reconduction de ces contrats.

La réponse est donc dans les mains des parties !

Ainsi, sauf à conclure systématiquement de nouveaux contrats à compter du 1er janvier 2014, les parties vont devoir « gérer » un double régime pendant encore quelques semaines ou quelques mois.

Source : Revue fiduciaire